Artistes pluridisciplinaires, Valérie Police et Lansy Siessie, couple à la ville et tandem artistique pour le Mai des artistes, confrontent l’art à la réalité du monde. Dont ils mettent en valeur les acteurs ordinaires.
Elle est directrice artistique, lui est graphiste et illustrateur : la machine à rêves parfois désincarnés est leur quotidien. La quête de l’humain les a pourtant réunis pour le Mai des artistes. Paradoxal. Mais qui ne l’est pas ? Lansy Siessie, alias Doze, et Valérie Police semblent d’ailleurs en quête perpétuelle de ces points communs entre êtres humains. Balayant d’un revers de la main ce qui sépare. Prendre donc cette fameuse exposition « Un air en commun », projet présenté jusqu’au 14 juin 2013 à la Cave dîmière.
« Il s’agit d’une œuvre collective réalisée avec des Argenteuillais. Nous les avons rencontrés, dans les maisons de quartiers, lors de soirées, puis à leur domicile », précise Valérie. Lansy se chargeant des prises de vues, certaines étant faites dans la rue, comme des photos de mode. « Je cherche à montrer ce qui fait la valeur de chaque modèle », insiste-t-il. De son côté, Valérie enregistre leurs témoignages et collecte des photos de famille. Tous ces éléments présentés aux spectateurs dans une douce scénographie à la Sophie Calle, comme une délicate invitation à découvrir une intimité et à s’y reconnaître. Car l’on possède tous ces albums où l’on retrouvera la madeleine de Proust sépia où tonton Georges fait le pitre à la fin d’un repas. Points communs donc, quels que soient origine ou milieu social. « Nous désirions également mettre en lumière les mémoires d’une ville, pour en dresser la cartographie », ajoute Lansy. Mémoires d’Argenteuil la métisse, riche de sa diversité.
Les deux artistes n’auraient pas dû suivre les chemins de traverse de l’art. Plutôt les vertes routes normandes menant à la ferme familiale pour Valérie. Quand son compagnon, gentil géant de banlieue parisienne, a « toujours aimé dessiner », même si ses parents restaient méfiants. Point commun encore : ils sont aussi persévérants l’un que l’autre. Madame décroche l’école Estienne, quand Monsieur étudie l’art à la fac puis le design graphique à l’école des Gobelins. Directrice artistique pour des maisons d’éditions, Valérie développe en parallèle des projets, notamment au sein de La trocambulante, où elle constitue un fonds de photographies anonymes, que des artistes peuvent réutiliser dans leur propre travail. Du coup, elle a participé à de nombreuses expositions – Musée d’art contemporain de Strasbourg ou Lieu unique à Nantes. De son côté, Lansy, dingue de mangas, de jeux vidéos et de logos, de street-art ou de comics, parfois très pointus, en nourrit ses créations. Et tient avec sa complice à mettre l’art à portée de tous. À le faire humblement descendre de son piédestal, le libérer des galeries et des musées et le frotter à la rugosité de la vie. D’ailleurs pour leur contribution au Mai des artistes, certaines photos ont été collées à même les murs de la ville.
C’est en connaissant son instant décisif que ce touche-à-tout est retourné à la photographie. « À la naissance de notre fils il y a trois ans, j’ai ressenti le besoin de garder des traces de ce que nous vivions », rappelle-t-il. Élégance : l’héritier se prénomme Akemy, « joli crépuscule » en japonais. Autre retour : Argenteuil. Il y avait vécu enfant et se souvenait parfaitement de la fresque d’Édouard Pignon, avenue Gabriel-Péri. « Nous nous sommes installés il y a deux ans et nous ne regrettons pas ! », salue Valérie. Au fait, la photo qui a servi de visuel à l’exposition représente un boxeur, le père du photographe, qui a combattu à Argenteuil. La boucle est bouclée…
Stéphane Legras — L’Argenteuillais n°170